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Le 15ème dîner-débat du Cercle :
mercredi 17 novembre 2004


Michel Camdessus

 



autour du thème

"Comment lutter
contre les freins à la croissance en France ? "

 

Pour accéder au rapport Camdessus en format PDF (publié par La Documentation française),
cliquez sur le graphique



Le parcours
de Michel Camdessus

 

Michel Camdessus, né en 1933, est devenu administrateur civil à sa sortie de l'ENA en 1960. Il a alors servi, pendant une vingtaine d'années, au sein du ministère des Finances, principalement Rue de Rivoli, mais aussi à Alger et à Bruxelles.

Président du Club de Paris dès 1978, il devient directeur du Trésor en 1982, jusqu'à sa nomination comme Gouverneur de la Banque de France en 1984. Au coeur des mutations du système financier français engagées par Pierre Bérégovoy et Edouard Balladur, il accède alors, en 1987, à la Direction général du Fonds monétaire international.

Pendant treize ans, jusqu'en 2000, Michel Camdessus dirige le FMI.

De retour de Washington, il préside le conseil du Centre d'études prospectives et d'information internationales (CEPII) et se consacre à l'animation des "Semaines Sociales de France".

En 2004, le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy, confie à Michel Camdessus la présidence de la "Mission Croissance", une commission chargée d'identifier les freins à la croissance en France et, en conséquence, de proposer des voies d'action pour retrouver le chemin d'une croissance forte.

 

 

 

Note de problématique

Cette note a été rédigée par Thomas Lambert.

 

Le Cercle du Pont du Neuf a réfléchi, tout au long de l'année 2004, aux actions à mener et les réformes à entreprendre en matière économique et sociale. Notre échange avec Michel Camdessus portera donc, en premier lieu, sur sa dernière contribution au débat public au travers de son rapport rendu au Ministre de l'économie et des finances intitulé «  le Sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France  ».

Néanmoins, nous pourrons également ouvrir le débat à des horizons plus larges en interrogeant notre invité sur ses réflexions récentes à propos des questions de développement des pays pauvres et notamment de l'Afrique. Quatre ans après son départ du FMI, nous pourrons, plus généralement, solliciter le regard de Michel Camdessus sur les grands équilibres financiers internationaux.

Enfin, accueillir Michel Camdessus doit être pour le Cercle du Pont Neuf l'occasion d'aborder, à la suite d'autres intervenants, les questions éthiques. Membre du conseil pontifical Justice et Paix, Michel Camdessus appartient à cette catégorie de hauts responsables publics qui n'ont eu de cesse de concilier leur action sur les affaires du monde avec une grande fidélité à des convictions fortes au service de la dignité de l'homme.

 

1. Quelle réforme pour la France ?

 

Le « rapport Camdessus », rendu au Ministre de l'économie et des finances en Octobre 2004, est issu des réflexions d'un groupe de travail composé par Michel Camdessus et rassemblant des personnalités issues d'horizons très divers.

Sur le fond, le rapport se base sur un état des lieux nuancé de la situation de la France pour proposer, en s'inspirant d'expériences étrangères réussies (notamment dans les pays nordiques), cinq priroités pour la réforme :

  • l'économie de la connaissance (formation, recherche)
  • préférer l'emploi à l'assistance
  • assurer l'efficacité des marchés des biens et des services
  • agiliser l'Etat
  • faire de l'Europe l'espace privilégié de notre croissance

Sans revenir sur chacune des propositions formulées par le rapport, notre débat pourrait porter sur la conception de la réforme proposée par Michel Camdessus. La réflexion proposée par le rapport apparaît originale à plusieurs titres :

  • elle présente la réforme comme une stratégie d'ensemble, et non une collection de changements plus ou moins douloureux qui n'apparaissent pas clairement aux Français comme porteurs de renouveau, d'enrichissement collectif et de justice. Cette vision de la réforme est fondamentale, car elle permet d'expliquer les échecs à répétitions des gouvernements réformateurs en France, qui n'ont sans doute pas su expliquer les dangers qui guettent un pays immobile et les gains collectifs immenses qui pourraient être tirés de grands changements ;
  • elle présente la réforme comme un « donnant-donnant » qui ne doit en aucun cas être synonyme de recul social et d'abandon des personnes. Néanmoins, le rapport propose une vision radicalement nouvelle de la réforme sociale (et notamment de la réforme du marché du travail) en recommandant de « protéger les personnes et non les emplois », et cette vision est au cour des polémiques nées de la proposition d'un contrat de travail unique. Là encore, le rapport innove en décrivant les succès rencontrés à l'étranger dans une flexibilisation du marché du travail allant de pair avec un renforcement de la protection accordé aux individus dans leurs destins économiques. Néanmoins, comment convaincre les Français que la flexibilisation n'est pas l'américanisation du marché du travail ?
  • elle place au cour de notre réflexion les expériences réussies menées dans des pays qui n'ont pas sacrifié l'efficacité économique à la cohésion de leur société. Mais là encore, les bienfaits tirés par le Canada, les pays nordiques ou le Royaume-Uni de réformes de grande ampleur sont masqués dans le débat public en France qui préfère caricaturer toute remise en cause des structures économiques héritées du passé comme inspirée par « l'ultra-libéralisme »
  • sur la réforme de l'Etat, enfin, sur laquelle échouent tant de responsables publics depuis vingt ans, Michel Camdessus insiste sur la nécessité de placer la réduction des dépenses publiques (et notamment de frais de personnel) avant la réduction des prélèvements obligatoire, alors que le vieillissement de la population mettra bientôt en péril les finances publiques.

 

Questions : quel rôle des jeunes actifs en France pour promouvoir la pédagogie de la réforme ? La « génération sacrifiée » peut-elle être mobilisée ? Comment gérer politiquement la remise en cause des rentes de situation que propose le rapport (CDI versus CDD, marchés des biens oligopolistiques, rentes des agents publics) ? La réduction de la taille de l'Etat peut-elle et doit-elle être présentée comme un objectif d'intérêt général en France ? Faut-il envisager d'acheter la réforme ?

Néanmoins, l'accueil médiatique qui lui est réservé depuis un mois témoigne en lui-même du « Mal Français » qu'il tente de cerner et de contrer. Très vite en effet, l'idée d'un « rapport d'inspiration ultra-libéral » a vite fait son chemin pour disqualifier à l'avance tout débat autour de ses propositions phares.

Questions : l'accueil réserve à votre récent rapport sur la réforme économique et sociale en France n'est-il pas un signe d'un très grave dysfonctionnement du débat public en France ? Comment y remédier ?

 

2. Une régulation mondiale de la finance internationale ?

Michel Camdessus a assisté, durant les années qu'il a passées à la tête du Fonds monétaire international à l'extraordinaire essor de la sphère financière mais aussi à l'occurrence de très graves crises qui ont montré la très grande fragilité du système international, en l'absence d'autorités de régulation puissantes face aux marchés financiers.

Michel Camdessus a présidé aux premières tentatives d'adaptation des politiques du FMI, en réponse à ses crises. Loin des caricatures des tenants de « l'alter-mondialisme », le FMI est aujourd'hui une institution en pleine mutation, ouverte au débat interne, prête à reconnaître les excès du passé et la nécessité d'une ouverture progressive et maîtrisée des flux de capitaux dans les pays en développement.

Néanmoins, les vulnérabilités du système financier international demeurent fortes.

Questions : les Etats-Unis, premier débiteur mondial, pourront-ils encore longtemps financer un déficit externe toujours croissant et maintenir la valeur du dollar ? La Chine peut-elle échapper aux excès d'une surchauffe et à une crise financière de grande ampleur ? Les pays émergents ont-ils retenu les leçons des crises du passé en pratiquant des politiques d'ouverture aux capitaux flottants plus prudentes ? Quelle est votre vision de la place de l'Europe dans le système financier international ? Peut-elle se protéger contre une hausse excessive de l'euro ? comment exister face au duopole américano-asiatique sur le marché des changes ? Pourquoi ne pas recommander la fusion des chaises européennes au FMI ? Quelle fut son expérience personnelle du rôle dirigeant des Etats-Unis au sein des institutions financières internationales ? Le FMI peut-il échapper à l'instrumentalisation politique de la part de ses plus grands actionnaires ?

Enfin, l'action de Michel Camdessus dans le domaine du développement, notamment concernant l'Afrique, pourrait nous amener à l'interroger sur sa vision du financement de l'aide au développement.

Questions : le débat lancé par le Président Chirac autour des taxes internationales a-t-il une chance de trouver un échos réel auprès des pays riches ? Peut-on encore croire que l'Afrique manque d'aide alors que le bilan des politiques d'APD menées dans le passé est largement négatif ? Que faut-il penser des idées britanniques de financements associant des mécanismes financiers innovants (IFF) permettant d'exercer un effet de levier pour financier la réduction de la pauvreté ? La France a-t-elle encore un rôle à jouer en Afrique ?


3. Et l'homme dans tout cela ?

L'engagement éthique de Michel Camdessus au sein du catholicisme social doit être perçu comme une preuve de la grande complémentarité entre la réflexion sur les améliorations à apporter à la vie collective et le questionnement spirituel, quel qu'il soit d'ailleurs.

La réflexion de Michel Camdessus concernant la réforme économique et sociale en France emprunte clairement à une philosophie du respect de la personne, du dialogue et de la solidarité. Néanmoins, la réforme semble aujourd'hui associée à des valeurs bien différentes : individualisme, inégalités, injustice, écrasement des plus faibles (en gros, « ultra-libéralisme »).

Questions : comment une telle situation peut-elle être combattue ? Faut-il promouvoir l'exemplarité des élites ? (casser les rentes, n'est-ce pas commencer par casser celles des plus privilégiés ?) Quel rôle pour les élites et les futurs jeunes cadres de la France ? La réhabilitation de la valeur du travail doit-elle être perçue dans un cadre éthique ?

Au plan international, l'action des pays développés et des organisations multilatérales pour aider les pays pauvres est souvent critiquée pour son manque de générosité (cf. les débats sur l'annulation de la dette) et l'hypocrisie des pays riches qui ne cherchent qu'à défendre leurs intérêts propres (voir l'action des grands actionnaires du FMI pour soutenir en priorité leurs "clients"). Il est vrai que l'aide au développement totale représente 50 Md$ (la guerre en Irak a, par exemple, coûté 250 Md$). Néanmoins, le jeu des pays pauvres vis à vis des institutions internationales et des bailleurs de fonds n'est pas non plus exempte de toute critique (chantage du faible au fort, non-respect des engagements, corruption).

Dans ce contexte, l'action individuelle apparaît souvent comme totalement impuissante face à l'immensité de la tâche pour le développement. Néanmoins, face aux échecs répétés des grands programmes d'aide au développement gérés au niveau des Etats, l'action individuelle apparaît plus efficace.

Questions : l'augmentation de l'aide des pays riches doit-elle être perçue comme une exigence morale ? Comment justifier auprès des opinions publiques une augmentation durable de l'aide ? L'argent est-il le seul problème (capacités des pays à gérer l'aide) ? Dans la gestion des programmes d'aide, la conditionnalité et la pression extérieure sur les gouvernements des PVD peut-elle être moralement justifiée (au delà de la simple recherche d'efficacité) ? Comment échapper au risque de "néo-colonialisme" ? Comment concilier approche individuelle et grandes politiques de développement qui seules peuvent avoir un effet marcroéconomique ? Quel rôle pour les ONG ?

 

 
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