Le Cercle Le bureau Les membres L'actualité Les dossiers

L'euro et l'avenir de l'Europe

par Yves-Thibault de Silguy (*),
ancien commissaire européen aux affaires économiques et monétaires.

Le dîner-débat avec Yves-Thibault de Silguy s'est tenu le 2 octobre 2003. Seul le prononcé fait foi.

Introduction

Au delà des souverainetés et malgré les crises économiques et monétaires des trente dernières années, l'euro a vu le jour le 1er janvier 1999.

L'euro est le fruit de la volonté politique des États. Il constitue un événement historique et une étape majeure dans la construction européenne. La monnaie des Européens pour les Européens.

Son avènement couronne plus de quarante ans d'efforts d'intégration européenne, illustrant la méthode Schuman : « l'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord des solidarités de fait. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer.jettera les fondements réels de leur unification. »

La naissance de l'union économique et monétaire est à l'image de la construction européenne : construite par étapes, portée par la France et l'Allemagne, ouverte aux pays de l'Union européenne ainsi qu'aux pays candidats, elle marque le succès d'un projet de dimension économique, d'un projet concret, vecteur d'identité européenne.

Près de quatre ans après le lancement de l'euro et 18 mois après la mise en circulation des pièces et des billets, il peut être utile de dresser un premier bilan.


I – Un bilan encourageant

Expérience inédite, l'unification monétaire d'un tissu économique disparate a suscité des angoisses à la hauteur de l'espoir engendré chez d'autres.

Rares sont ceux qui, en 1995, auraient parié sur le respect de l'échéance du 1 er janvier 1999. En 1996, un numéro de « The Economist » titrait même « Farewell euro » ! Son lancement a, au contraire, constitué un très grand succès pour l'Europe. Les faits ont sévèrement démenti les Cassandre de l'euro qui brandissaient successivement :

  • le spectre d'une grave récession économique - corollaire de la mise en ½uvre de politiques budgétaires rigoureuses - ;
  • une vague de spéculation sans précédent lors de la fixation définitive et irrévocable des parités - aboutissant à l'échec du processus d'union monétaire - ;
  • un cataclysme informatique généralisé - bloquant toute l'introduction technique de l'euro le 1 er janvier 1999 - ;
  • un rejet massif de la population.

Il n'en a rien été. Et l'euro a depuis quatre ans donné raison à ceux qui avaient beaucoup d'espoir en lui. Ses bénéfices se font sentir depuis quelque temps déjà et constituent autant d'éléments de réponse européens à la globalisation : l'euro est un facteur de stabilité, de compétitivité pour les entreprises, ainsi qu'un vecteur d'identité européenne.

 

1) L'euro, facteur de stabilité

 

L'euro, qui repose sur l'engagement de mener des politiques macroéconomiques assainies, a contribué à la naissance d'une nouvelle culture de stabilité en Europe.

Les premières années de l'euro ont montré le rôle de « bouclier protecteur » joué par l'UEM.

L'euro s'est révélé un rempart contre les risques de crise financière internationale et les conséquences dommageables d'événements externes à l'UE.

Il suffit, pour s'en convaincre de se souvenir combien l'euro a protégé l'Europe contre les crises asiatique, russe, et plus récemment argentine, afghane ou irakienne. Ni de tels aléas internationaux, ni ceux du contexte politique intérieur de l'Europe (changements de gouvernements, démissions de Ministres) n'ont entraîné de dérèglement monétaire.

Sans l'euro, des événements tels que la guerre en Afghanistan ou en Irak, la situation en Amérique latine n'auraient pas été sans occasionner des mouvements très volatils sur les taux de change de monnaies européennes.

Pour imaginer ce que serait aujourd'hui la situation de l'Europe sans l'euro, il faut se souvenir des années 1992-1995, après la guerre du Golfe et la chute du peso mexicain, qui connurent une dépréciation de la lire italienne de près de 40% par rapport au deutsche mark. La répétition de tels dérèglements monétaires en Europe aurait signé l'acte de décès du marché unique ;

L'euro a également protégé les pays européens contre les effets des variations du cours du dollar.

En effet, puisque 60% du commerce de l'Europe s'effectue au sein de ses frontières, chaque Etat participant est, désormais, moins sensible aux fluctuations de l'euro par rapport au dollar que ne l'était, il y a encore peu de temps, sa monnaie nationale par rapport à la devise américaine.

Par définition, l'arrivée de l'euro a supprimé toute instabilité monétaire entre les monnaies des pays participants. Il a donc sécurisé la plus grande partie de notre commerce. Il faut relativiser la question de la valeur externe de l'euro ;

L'euro a enfin, apporté la stabilité des prix .

Les progrès accomplis en Europe sur la voie d'une meilleure maîtrise de l'inflation ont été impressionnants.

En moyenne communautaire, l'inflation s'élevait à 10,5% durant les années 1970, à 6,5% dans les années 1980. En 1995, un taux d'inflation de 3,1% était souvent considéré comme exceptionnellement faible ; il a chuté à 1,2% en 1999. Tel est le résultat du travail accompli pour respecter le critère de convergence lié au contrôle de l'inflation et permettre l'arrivée de l'euro.

La stabilité des prix est garantie par Banque centrale européenne (BCE), indépendante, à laquelle le traité assigne la mission essentielle d'assurer la stabilité des prix. Son objectif à moyen terme est de contenir à 2% le taux d'inflation dans l'ensemble de l'UE.

Toutefois, après avoir enregistré des taux très modérés de 1,2% et 2,1% en 1999 et 2000, la situation s'est quelque peu dégradée en 2001, pour s'établir à 2,5% et 2,2 % en 2002 (2003 : 2,1 % pour la zone euro et 2 % pour les 15), essentiellement en raison de divers aléas tels que les renchérissements des prix du pétrole et des prix alimentaires liés à des épidémies et de mauvaises conditions climatiques.

Il demeure toutefois que ces résultats restent en deçà des taux d'inflation que connaissaient de nombreux pays européens il y encore peu de temps.


2) L'euro, facteur de compétitivité pour les entreprises

Un marché unique sans monnaie unique : moteur sans huile qui grippe

Les entreprises européennes ont longtemps appelé de leurs v½ux l'arrivée de l'euro.

En tant qu'instrument de transactions commerciales , son avantage principal est de sortir le risque de change des comptes d'exploitation des entreprises, de soustraire largement leurs activités aux variations du dollar et, en permettant une comparaison aisée des prix, de contribuer à décloisonner le marché. Or un grand marché sans risque de change améliore nettement la situation des entreprises.

L'euro leur a en effet permis de :

  • supprimer les coûts de conversion entre les monnaies européennes participantes - économie substantielle pour les entreprises européennes, estimée à 30 milliards d'euros par an, soit un demi point de PIB ;

  • faire disparaître les coûts de couverture contre le risque de change (estimé, pour la France à 1% du chiffre d'affaires « export »). D'où, pour les entreprises, une augmentation importante de la rentabilité de leurs activités à l'exportation dans la zone euro ;

  • autre corollaire de l'arrivée de l'euro pour les entreprises : la diminution des coûts afférents à la tenue de comptabilités multi-devises, longues et coûteuses à gérer . Ainsi, plus fortes sur leur marché domestique, qui s'étend désormais à presque toute l'Europe, les entreprises européennes sont plus compétitives et mieux à même d'affronter la compétition sur les marchés internationaux.


3) L'euro, vecteur d'unité européenne

L'euro n'a pas provoqué de rejet massif par la population. Au contraire. Il a été d'abord bien accueilli en 1999. L'introduction concrète des pièces et des billets en 2002 - qui, de l'avis général, a été un très grand succès - loin de générer l'agacement ou la perplexité, a suscité l'enthousiasme . même s'il faudra à tous un certain temps pour ne plus faire la conversion. D'ailleurs, en 1997/1999, 40 % des Français comptaient en anciens francs !

Ce succès n'est certes pas le fruit du hasard :

•  l'euro tire sa force d'un engagement solennel souscrit et respecté par les Etats ;

•  il est également le résultat d'un travail minutieux de préparation : les efforts considérables des Etats de remise en ordre de leurs finances publiques, la qualité des mesures techniques, une réglementation mise en place à l'avance, l'annonce anticipée des parités, constituent autant d'éléments qui, s'ils ne composaient certes pas le quotidien des citoyens, ont contribué pour eux à crédibiliser l'arrivée de l'euro ;

•  la préparation s'est effectuée au prix d'un important effort d'information et de communication, adapté à un calendrier précis et transparent des étapes de préparation, mené par les Etats, les institutions européennes, les entreprises et la société civile. Par opposition, le nouveau Franc a été introduit sans réelle préparation en 1960 : la première année, 60 % des chèques ont été refusés !

Le défi logistique que représente la fabrication et la mise en circulation de cinquante milliards de pièces, treize milliards de billets ou encore l'adaptation des distributeurs automatiques dans tous les pays a été relevé avec succès.

Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour que l'arrivée de l'euro se déroule sans accroc ni rejet. Mais l'enthousiasme qu'il a créé dans beaucoup de pays constitue une heureuse surprise.

Il a apporté la preuve éclatante du soutien des Européens à l'euro. Pour les citoyens, son arrivée concrétise la construction européenne, comme jamais encore depuis son demi-siècle d'histoire et matérialise, dans leur vie quotidienne ou leurs voyages, leur appartenance commune à l'Union européenne.

L'euro devient ainsi un élément de leur identité. Dès la mise en circulation des pièces et des billets en 2002, 300 millions de personnes, dans douze pays, partagent et utilisent la même monnaie. Avec l'élargissement à l'Est, l'euro sera utilisé, un jour, par un demi milliard de personnes.

 

Tout est-il parfait ? Que reste-t-il à faire pour recueillir tous les fruits de cette étape majeure de la construction européenne ?

 

II – Un acquis européen à consolider

 

Indépendamment du besoin de voir coïncider le plus rapidement possible les frontières de l'Union européenne et celles de la zone euro (problème de la Grande Bretagne surtout, mais également 56,1 % de Non au référendum suédois sur l'euro), trois chantiers, aux aspects aussi politiques que techniques, sont maintenant ouverts.


1) Renforcer la gouvernance économique

Les efforts considérables déployés par les gouvernements des Etats membres pour réduire les déficits publics - indispensables au lancement de l'euro - ont incontestablement permis aux pays participants de disposer de finances publiques assainies et se donner les moyens de renouer avec la croissance.

Comparé au début des années 1990, le cadre qu'offre maintenant la zone euro pour la conduite des politiques macroéconomiques a été considérablement amélioré : les déficits publics s'élevaient à 6,3% du PIB en moyenne communautaire des quinze en 1993 et à 4,8% en 1995. Ils ont respecté le critère des 3% en 1997.

Les difficultés d'aujourd'hui ne doivent pas masquer les bonnes performances économiques depuis 1999.

1/ Au cours des deux premières années, le PIB de la zone euro s'est accru à un rythme supérieur à son potentiel, progressant de 3% par an en moyenne, sans donner naissance aux déséquilibres qui peuvent menacer la durabilité de la croissance ailleurs dans le monde.

2/ D'une part, si la croissance du PIB a chuté depuis lors en raison du ralentissement de la croissance économique mondiale, la création d'emplois a étonnamment bien résisté. Au total, 6 millions d'emplois nets ont été créés dans la zone euro, pendant les trois premières années de la monnaie unique, contre 3,5 millions aux Etats-Unis ;

D'autre part, si les taux de croissance que nous connaissons aujourd'hui se sont affaiblis, ils demeurent toutefois positifs, ce qui est en grande partie dû à l'arrivée de l'euro (protection du marché intérieur).

Croissance du PIB pour 2003 (UE 15) : 0,8 %

Croissance du PIB pour 2004 (UE 15) : 2 %

Toutefois, l'arrêt du processus de consolidation budgétaire et l'aggravation des déficits publics, dans certains grands pays européens, notamment la France (trois années consécutives de déficit budgétaire : 2002 : -3,1 %, 2003 : -4 % et 2004 : -3,6), est aujourd'hui une source de préoccupation .

Les politiques keynésiennes ont montré leurs limites dans une économie globalisée. Il ne peut y avoir de croissance durable et créatrice d'emplois sans poursuite de la réduction des déficits publics vers une situation proche de l'équilibre. Cette tâche est essentielle au sein de la zone euro. L'assainissement des finances publiques libère l'épargne.

En effet, réduire d'un point les déficits publics en Europe libère 60 milliards d'euros par an qui, au lieu de servir à leur financement, peuvent être plus utilement employés au profit de l'investissement et de la consommation, donc de la croissance .

Avec un déficit public de l'ordre de 3 % du PIB, l'Etat français dépense 20 % de plus qu'il ne gagne. Quelles sont les entreprises, quels sont les ménages qui peuvent survivre avec une telle gestion de leur budget ? La dette française est aujourd'hui de 30.000 € par habitant (dette de l'Etat et des administrations publiques).

Aujourd'hui, en France, le coût annuel de la dette publique (intérêts payés par l'Etat ) absorbe, en montant, les recettes de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (de l'ordre de € 46 milliards ). Le service de la dette publique consomme environ la moitié des recettes totales de l'Etat/

De plus, l'assainissement des finances publiques éclaircit l'horizon des investisseurs (anticipations positives); ils savent chacun que les déficits publics se payent tôt ou tard sous forme d'impôts supplémentaires ;

Enfin, l'assainissement des finances publiques offre un terrain favorable à la mise en place de politiques actives pour l'emploi  : comment, en effet, financer de telles politiques si le budget de l'Etat est lui-même déjà déficitaire ?

Le renforcement de la gouvernance européenne suppose également d'utiliser la dynamique collective créée autour de l'euro pour mener les réformes structurelles nécessaires  :

•  pour lutter contre le chômage en Europe, il convient de remédier, de façon concertée, aux rigidités du marché du travail :

•  en rétablissant sa compétitivité par la baisse du niveau des charges sociales,

•  en favorisant la mobilité de la main d'½uvre,

•  en sachant adapter les conditions du travail ;

•  les courbes démographiques, l'intégration des pays candidats de l'Est, le maintien d'un haut niveau de protection sanitaire et sociale imposent de vigoureuses réformes du financement des retraites ;

•  la transformation de nos économies industrielles en économies de services suppose, par ailleurs, de poursuivre la libéralisation - régulée - des services pour :

•  accroître la compétitivité de l'économie,

•  rémunérer l'épargne publique et privée,

•  favoriser le progrès technique et la croissance par l'investissement.

 

L'Europe devra, enfin, rattraper ses retards accumulés en matière de recherche et développement, en particulier dans les secteurs des biotechnologies et des technologies de l'information.

Il ne faut pas demander à la politique monétaire de faire de la politique économique !

 

La gouvernance économique européenne, au sens institutionnel, devrait être améliorée par :

•  l'affirmation de l'Eurogroupe comme instance de gouvernance économique, avec :

•  un alignement de ses règles de fonctionnement sur celles des instances communautaires (cf pouvoir décisionnel, vote à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission .) ;

•  une priorité reconnue au respect du pacte de stabilité et de croissance et à la consolidation budgétaire ;

•  une extension des compétences de l'Eurogroupe à la coordination des politiques structurelles de compétence nationale, permettant de promouvoir la convergence dans les domaines économiques et sociaux ;

•  l'empêchement de tout dumping monétaire de la part des nouveaux États membres de l'Union européenne n'appartenant pas à la zone euro, en imposant leur adhésion au nouveau système monétaire européen.

 

Les enjeux monétaires de l'élargissement

Malgré un impact économique relativement limité du nouvel élargissement (le PIB des dix futurs États membres ne représente que 5 % de celui des 15), le quasi-doublement de nombre d'États membres et leur grande diversité nécessitent de porter attention à ses effets sur la poursuite de l'intégration économique de l'Union européenne.

Avec l'élargissement, le nombre de pays non participants à la zone euro passera d e trois à treize. Même si les douze États membres de la zone euro représenteront 70 % du PIB de l'Union européenne, il est impératif de préserver et de renforcer -au nom du principe d'approfondissement- la dynamique de l'UEM, essentielle à la poursuite de l'intégration économique de l'Europe. De même, il est nécessaire d'élargir la zone euro dans le strict respect des critères prévus par le traité.

Cf. Commission européenne, «  Spring Forecasts 2003  »  ; Rexecode «  Perspectives de l'économie mondiale  », septembre 2003


2) Affirmer la capacité de l'Europe à parler d'une seule voix

L'euro est d'ores et déjà devenu la deuxième monnaie du monde après son lancement. Il se développe dans trois directions :

•  comme moyen de paiement dans le commerce international, en Europe, en Afrique, dans les pays aujourd'hui candidats à l'élargissement et dans la zone méditerranéenne (30 %) ;

•  comme instrument de diversification des portefeuilles d'actifs privés (50% en euro)

•  et comme monnaie de réserve pour les banques centrales (Chine)

Grâce à l'euro le système monétaire international se rééquilibre. Mais ce rééquilibrage ne signifie pas, ipso facto , plus de stabilité monétaire internationale.

Celle-ci nécessite une coopération macro-économique et monétaire, conduite de manière concertée au niveau mondial entre les principaux acteurs, au premier rang desquels figurent les Etats-Unis et l'Europe.

L'euro a en effet introduit un changement fondamental. Avant l'euro, 50 % du commerce et 80 % des transactions financières étaient en dollar. « Le dollar est notre monnaie mais votre problème » (Connelly, 1970).

Les Etats-Unis faisaient financer le déficit de leur balance courante et l'épargne intérieure par l'étranger. Avec l'euro, cela change, la monnaie européenne a une place plus en phase avec la place de l'Europe dans les échanges commerciaux et financiers. Donc s'il n'existe pas de concertation internationale macro-économique, les Etats-Unis finiront par subir les effets négatifs de leurs déficits (taux d'intérêt de long terme élevés, chômage en augmentation .).

Se pose de ce fait la question de la représentation économique et monétaire de la zone euro sur la scène internationale et de la capacité de l'Europe à s'exprimer d'une seule voix pour mieux faire valoir ses positions.

Or, le dispositif actuel confine aujourd'hui plus au jeu de chaises musicales qu'à la défense efficace et concertée des intérêts des pays européens. Les risques de voir les européens se diviser face à leurs partenaires sont réels, les privant de l'efficacité que devrait leur offrir leur monnaie unique. Aussi, la situation est-elle appelée à évoluer pour donner à la zone euro la possibilité de s'exprimer d'une seule voix dans les instances économiques et financières internationales, comme elle y est parvenue en matière commerciale.

Le rôle économique de l'Europe sur la scène internationale devrait donc être consolidé par une représentation économique et monétaire unifiée (un Monsieur « zone euro », chef de délégation dans les G7 et institutions financières internationales).

 


3) Adapter les marchés financiers à l'euro

 

Depuis l'arrivée de l'euro, le rythme d'intégration des marchés financiers s'est accéléré. Les marchés sont plus homogènes, les intermédiaires et les bourses se regroupent, des techniques et des produits nouveaux apparaissent.

Pour que les entreprises puissent choisir le mode de financement qui leur convient et que les épargnants aient accès à une gamme diversifiée de placements, il importe de hâter l'intégration des marchés financiers et de réaliser le marché unique là comme ailleurs :

•  maintenant un nouvel élan est nécessaire : les infrastructures de marché, l'architecture des paiements doivent désormais être conçues pour l'ensemble de la zone euro. Le cadre juridique des marchés, à l'évidence national, freine le développement des opérations transfrontalières. La création d'une classe particulière d'actifs européens, assortie de propriété communes et claires pourrait répondre à cette difficulté ;

•  enfin, il importe de tenir compte de l'évolution de la structure des marchés. Historiquement, le contrôle des activités de la banque, de l'assurance, des marchés financiers ont été confiés à des autorités distinctes. L'apparition des conglomérats financiers et la multiplication des opérations de fusions et d'acquisitions transfrontalières rendent aujourd'hui cette structure anachronique. Aussi, serait-il opportun de mettre en place une autorité de régulation et de supervision unique pour l'Europe, avec un fonctionnement décentralisé au niveau des Etats.

 

Conclusion

 

Le bilan de ces premières années de l'euro se révèle incontestablement encourageant. Les avantages de la monnaie se sont déjà fait sentir.

Il est toutefois indispensable de consolider cet acquis. Les incertitudes qui pèsent sur la situation politique et économique internationale appellent une intégration économique plus poussée de la zone euro. L'euro n'est pas une fin en soi. Il constitue une étape et un outil pour permettre à l'Europe de mieux affronter les défis liés à la mondialisation qu'elle doit affronter.

«  L'Europe , comme le soulignait Stendhal, ne manque pas de bonnes intentions, le problème est de développer l'énergie nécessaire pour faire remuer la masse de nos habitudes ».

 

 

(*) Aujourd'hui directeur général chargé des affaires internationales, des relations institutionnelles et de la ressource en eau du groupe Suez, Yves-Thibault de Silguy a effectué l'essentiel de son parcours professionnel dans la sphère des institutions communautaires.

Entré au Quai d'Orsay à sa sortie de l'ENA en 1976, il a rejoint la Commission européenne dès 1981, comme directeur adjoint du cabinet de François-Xavier Ortoli. Après un passage à l'ambassade de France à Washington, il est devenu, en 1986, conseiller chargé des questions européennes et économiques internationales auprès de Jacques Chirac, Premier ministre de cohabitation.

Après cinq années passées dans l'industrie à la direction des affaires internationales d'Usinor Sacilor, Yves-Thibault de Silguy retrouve les questions européennes à Matignon lors de la deuxième cohabitation. Conseiller d'Edouard Balladur, il dirige alors, jusqu'en 1995, le SGCI (Secrétariat général pour les questions de coopération économique européenne).

Il sera ensuite, pendant quatre ans, l'un des deux membres français de la Commission européenne dirigée par Jacques Santer. Commissaire chargé des affaires économiques, financières et monétaires, il est l'un des "pères" de l'euro.

 

 
Nous cont@cter Le Cercle Le bureauLes membresL'actualité Les dossiers