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Discours de M. Henri de Raincourt
devant le Congrès du Parlement
le 17 mars 2003


 

Le sénateur de l'Yonne a été l'orateur du groupe UMP du Sénat lors de la séance du Congrès consacrée, le 17 mars 2003, à l'examen du projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. Le texte ci-dessous est extrait du compte-rendu intégral des débats publié au Journal Officiel.


Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons cet après-midi un temps fort de la Ve République.

En effet, nous sommes appelés à voter une nouvelle révision constitutionnelle qui va au-delà d'un simple ajustement technique, car elle touche au fondement même des relations de l'Etat avec les territoires, avec la nation. Le principe général inspirant ces modifications figurera à l'article 1er de la Constitution, qui érigera de façon irréversible désormais la décentralisation comme principe fondamental de l'organisation de notre République. Cette transformation s'avère d'autant plus importante que la France a longtemps vécu dans une tradition centralisatrice, héritée tant de la monarchie que des républiques qui se sont succédé depuis plus de deux siècles.


Aujourd'hui, le processus de modernisation de la Ve République implique une évolution des relations entre l'Etat central et les collectivités territoriales. Il pourra prendre toute sa mesure grâce aux modifications qui nous sont proposées. Leur objectif n'est pas seulement d'instaurer entre l'Etat et ses territoires une nouvelle relation, mais plutôt de libérer les énergies susceptibles de dynamiser les réserves de créativité que recèlent nos régions, nos départements et nos communes.


Les sénateurs se félicitent que leur rôle constitutionnel de représentants des collectivités territoriales soit pleinement reconnu dans ce processus, qui va reformater les relations et les échanges entre l'Etat, les élus locaux et la population.


La force des textes qui nous sont soumis repose sur une constatation simple qui témoigne de la vitalité de la démocratie française. La démocratie ne se borne pas à appliquer des lois fixées une fois pour toutes. Elle consiste aussi à faire en sorte que les lois épousent les mutations sociales, économiques, culturelles de leur époque. Lorsque j'étais étudiant, je me souviens du titre d'un ouvrage qui avait frappé les esprits à l'époque, Paris et le désert français. Depuis cette époque lointaine, l'hypercentralisation parisienne a été quelque peu réduite. Aujourd'hui, quelques décennies après, sous l'effet des mesures de décentralisation déjà mises en oeuvre, et dont nous reconnaissons le bien-fondé et la portée, nous constatons que, loin de défaire la République, elle en a stimulé les capacités sans affaiblir d'aucune manière l'unité nationale.


Désormais, les collectivités territoriales, quel que soit leur niveau de compétence, pourront, en demeurant au contact permanent des préoccupations des populations, mieux orienter et mieux guider le développement harmonieux et équilibré des territoires. En ce sens, la modification constitutionnelle qui nous est soumise me paraît devoir être le couronnement d'une longue histoire positive, dont le résultat aura été, pour la population française, une amélioration de son niveau et de sa qualité de vie, ainsi que de sa participation démocratique.


Ce texte, monsieur le Premier ministre, répond à nos souhaits.


Je veux parler par exemple du principe d'interdiction d'exercice d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, principe qui complète la notion nouvelle de collectivité chef de file en excluant toute hégémonie et en instaurant une synergie créative.

Je pense également aux modalités d'exercice du droit à l'expérimentation, et surtout à la reconnaissance constitutionnelle de la compensation financière dynamique des compétences créées ou transférées aux collectivités territoriales. Quel changement par rapport aux dotations de l'Etat décidées sans nous ! Certains exemples récents, notamment celui du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, nous conduisent à nous féliciter de l'inscription de cette règle dans notre loi fondamentale. J'avais envie de dire : enfin !


La réforme constitutionnelle que nous nous apprêtons à voter va permettre de renforcer une République plus fonctionnelle, plus proche et plus solidaire.


Une République plus fonctionnelle puisque l'Etat se concentrera davantage sur ses missions régaliennes. Une République moderne également, parce que de nouveaux espaces de liberté et de responsabilité vont s'ouvrir, grâce auxquels les élus locaux pourront explorer des voies inédites. Faisons confiance à leur imagination et à leur sens des responsabilités, déjà éprouvés depuis tant et tant de décennies.


Quant à l'expérimentation qui nous est proposée, elle ne saurait en aucune façon altérer les fondements de la République. Bien au contraire, elle permettra d'anticiper, puis de vérifier, pratiquement en temps réel, que les nouvelles compétences auront été transférées aux échelons les plus adaptés.


Une République plus moderne parce que la gestion au quotidien ne sera plus synonyme d'uniformité, mais favorisera au contraire le développement des spécificités. Cet appel à la pluralité, je le répète une fois encore, ne saurait nuire à l'unité de la République.


Dans le même ordre d'idée, la mise en application du principe de subsidiarité au sein des collectivités locales stimulera l'ingéniosité économique et sociale en rationalisant les processus de décision. En ouvrant de nouveaux droits constitutionnels à nos concitoyens comme le droit de pétition, le référendum local, la consultation, progrès considérables par rapport à ce qui existe - ou n'existe pas - aujourd'hui, c'est à l'évidence un rapprochement entre l'Etat, les élus et la population qui va s'opérer.


En recentrant l'Etat sur ses missions fondamentales, nous renforçons sa fonction de garant de l'égalité des chances entre les Français, son rôle d'arbitre et de régulateur. Nul doute qu'il en résultera une meilleure gestion et un service public meilleur. Ainsi redéployé, l'Etat aura plus d'autorité pour réduire les inégalités, assurer la solidarité entre les territoires et offrir aux Français plus de justice, plus de sécurité, plus de formation.


Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP du Sénat a décidé d'adopter cette révision constitutionnelle dont il attend avec beaucoup de confiance la mise en application. De même, nous sommes convaincus que nos concitoyens sauront en mesurer et apprécier toute l'ampleur dans leur vie de tous les jours.


En dernier lieu, je voudrais rappeler que la décentralisation, comme la démocratie, sont toujours à perfectionner. C'est pourquoi il y a en permanence de nouveaux chantiers à ouvrir. A l'issue du vote du Congrès, les étapes s'enchaîneront les unes après les autres ; et notre nouvel horizon nous porte au débat parlementaire qui va s'engager au 1er janvier 2004, date prévue pour la mise en oeuvre des premiers transferts de compétences et des premières expérimentations.


En attendant, l'année 2003, grâce à l'engagement du Président de la République et à votre détermination, monsieur le Premier ministre, restera dans l'histoire politique française comme l'année d'une nouvelle territorialité de la République et du printemps de l'Etat.

 

 
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