Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier
ministre, monsieur le président du Sénat, messieurs
les ministres, mes chers collègues, nous vivons cet après-midi
un temps fort de la Ve République.
En
effet, nous sommes appelés à voter une nouvelle révision
constitutionnelle qui va au-delà d'un simple ajustement technique,
car elle touche au fondement même des relations de l'Etat
avec les territoires, avec la nation. Le principe général
inspirant ces modifications figurera à l'article 1er de la
Constitution, qui érigera de façon irréversible
désormais la décentralisation comme principe fondamental
de l'organisation de notre République. Cette transformation
s'avère d'autant plus importante que la France a longtemps
vécu dans une tradition centralisatrice, héritée
tant de la monarchie que des républiques qui se sont succédé
depuis plus de deux siècles.
Aujourd'hui, le processus de modernisation de la Ve République
implique une évolution des relations entre l'Etat central
et les collectivités territoriales. Il pourra prendre toute
sa mesure grâce aux modifications qui nous sont proposées.
Leur objectif n'est pas seulement d'instaurer entre l'Etat et ses
territoires une nouvelle relation, mais plutôt de libérer
les énergies susceptibles de dynamiser les réserves
de créativité que recèlent nos régions,
nos départements et nos communes.
Les sénateurs se félicitent que leur rôle constitutionnel
de représentants des collectivités territoriales soit
pleinement reconnu dans ce processus, qui va reformater les relations
et les échanges entre l'Etat, les élus locaux et la
population.
La force des textes qui nous sont soumis repose sur une constatation
simple qui témoigne de la vitalité de la démocratie
française. La démocratie ne se borne pas à
appliquer des lois fixées une fois pour toutes. Elle consiste
aussi à faire en sorte que les lois épousent les mutations
sociales, économiques, culturelles de leur époque.
Lorsque j'étais étudiant, je me souviens du titre
d'un ouvrage qui avait frappé les esprits à l'époque,
Paris et le désert français. Depuis cette
époque lointaine, l'hypercentralisation parisienne a été
quelque peu réduite. Aujourd'hui, quelques décennies
après, sous l'effet des mesures de décentralisation
déjà mises en oeuvre, et dont nous reconnaissons le
bien-fondé et la portée, nous constatons que, loin
de défaire la République, elle en a stimulé
les capacités sans affaiblir d'aucune manière l'unité
nationale.
Désormais, les collectivités territoriales, quel que
soit leur niveau de compétence, pourront, en demeurant au
contact permanent des préoccupations des populations, mieux
orienter et mieux guider le développement harmonieux et équilibré
des territoires. En ce sens, la modification constitutionnelle qui
nous est soumise me paraît devoir être le couronnement
d'une longue histoire positive, dont le résultat aura été,
pour la population française, une amélioration de
son niveau et de sa qualité de vie, ainsi que de sa participation
démocratique.
Ce texte, monsieur le Premier ministre, répond à nos
souhaits.
Je veux parler par exemple du principe d'interdiction d'exercice
d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre,
principe qui complète la notion nouvelle de collectivité
chef de file en excluant toute hégémonie et en instaurant
une synergie créative.
Je
pense également aux modalités d'exercice du droit
à l'expérimentation, et surtout à la reconnaissance
constitutionnelle de la compensation financière dynamique
des compétences créées ou transférées
aux collectivités territoriales. Quel changement par rapport
aux dotations de l'Etat décidées sans nous ! Certains
exemples récents, notamment celui du financement de l'allocation
personnalisée d'autonomie, nous conduisent à nous
féliciter de l'inscription de cette règle dans notre
loi fondamentale. J'avais
envie de dire : enfin !
La réforme constitutionnelle que nous nous apprêtons
à voter va permettre de renforcer une République
plus fonctionnelle, plus proche et plus solidaire.
Une République plus fonctionnelle puisque l'Etat se concentrera
davantage sur ses missions régaliennes. Une République
moderne également, parce que de nouveaux espaces de liberté
et de responsabilité vont s'ouvrir, grâce auxquels
les élus locaux pourront explorer des voies inédites.
Faisons confiance à leur imagination et à leur sens
des responsabilités, déjà éprouvés
depuis tant et tant de décennies.
Quant à l'expérimentation qui nous est proposée,
elle ne saurait en aucune façon altérer les fondements
de la République. Bien au contraire, elle permettra d'anticiper,
puis de vérifier, pratiquement en temps réel, que
les nouvelles compétences auront été transférées
aux échelons les plus adaptés.
Une République plus moderne parce que la gestion au quotidien
ne sera plus synonyme d'uniformité, mais favorisera au contraire
le développement des spécificités. Cet appel
à la pluralité, je le répète une fois
encore, ne saurait nuire à l'unité de la République.
Dans le même ordre d'idée, la mise en application du
principe de subsidiarité au sein des collectivités
locales stimulera l'ingéniosité économique
et sociale en rationalisant les processus de décision. En
ouvrant de nouveaux droits constitutionnels à nos concitoyens
comme le droit de pétition, le référendum local,
la consultation, progrès considérables par rapport
à ce qui existe - ou n'existe pas - aujourd'hui, c'est à
l'évidence un rapprochement entre l'Etat, les élus
et la population qui va s'opérer.
En recentrant l'Etat sur ses missions fondamentales, nous renforçons
sa fonction de garant de l'égalité des chances entre
les Français, son rôle d'arbitre et de régulateur.
Nul doute qu'il en résultera une meilleure gestion et un
service public meilleur. Ainsi redéployé, l'Etat aura
plus d'autorité pour réduire les inégalités,
assurer la solidarité entre les territoires et offrir aux
Français plus de justice, plus de sécurité,
plus de formation.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP du Sénat
a décidé d'adopter cette révision constitutionnelle
dont il attend avec beaucoup de confiance la mise en application.
De même, nous sommes convaincus que nos concitoyens sauront
en mesurer et apprécier toute l'ampleur dans leur vie de
tous les jours.
En dernier lieu, je voudrais rappeler que la décentralisation,
comme la démocratie, sont toujours à perfectionner.
C'est pourquoi il y a en permanence de nouveaux chantiers à
ouvrir. A l'issue du vote du Congrès, les étapes s'enchaîneront
les unes après les autres ; et notre nouvel horizon nous
porte au débat parlementaire qui va s'engager au 1er janvier
2004, date prévue pour la mise en oeuvre des premiers transferts
de compétences et des premières expérimentations.
En attendant, l'année 2003, grâce à l'engagement
du Président de la République et à votre détermination,
monsieur le Premier ministre, restera dans l'histoire politique
française comme l'année d'une nouvelle territorialité
de la République et du printemps de l'Etat.